Les exosquelettes, des alliés pour améliorer les conditions d’exercice des métiers de la santé

Édito

Depuis sa création en 1994, l’IRCAD s’attache à faire progresser à travers le monde la chirurgie mini-invasive au bénéfice des patients, que ce soit en laparoscopie ou en chirurgie assistée par robot, par le développement continu des activités de recherche et de formation menées à l’IRCAD France et dans les Instituts miroirs. Avec l’ouverture fin septembre 2025 de l’IRCAD North America, à Charlotte (USA), le réseau IRCAD compte désormais 9 Instituts implantés sur les divers continents.

L’alliance du robot chirurgical et de l’intelligence artificielle aide les chirurgiens à accomplir leurs gestes avec la plus grande précision possible. Le robot offre aussi un meilleur confort de travail au chirurgien, ce qui est d’autant plus important que certaines interventions mini-invasives sont particulièrement fatigantes, exigeant des gestes d’une grande minutie réalisés en position debout et figée, le regard fixé sur un écran, pendant une durée longue, avec des temps courts de récupération entre les interventions. Cependant, le coût des robots chirurgicaux freine leur acquisition, le nombre d’installations n’étant estimé qu’à environ 300 en France.

Les troubles musculo-squelettiques (TMS) relatifs à la chirurgie sont désormais identifiés comme un vrai enjeu de santé et de longévité professionnelles et leur prévention est devenue une priorité en termes de sensibilisation, d’apprentissage des bonnes postures et d’ergonomie de conception des blocs opératoires. Dans ce contexte de prévention, ou de soulagement lorsque les TMS sont déjà présents, le recours aux exosquelettes apparaît comme une alternative prometteuse. De conception et d’utilisation différentes de celles des robots chirurgicaux, ces structures mécaniques sont destinées à améliorer le confort physique des chirurgiens mais aussi des personnels infirmier et aide-soignant, avec le récent développement de systèmes conçus pour ces métiers de la santé.

Dans cette dernière édition de l’année 2025, nous donnons la parole au Dr Daichi Kitaguchi, chirurgien colorectal expert en intelligence artificielle, qui est venu du Japon à l’IRCAD France pour mener un programme de recherche (« Fellowship ») sur l’application de l’intelligence artificielle à la chirurgie. Il travaille également sur les exosquelettes, dotés ou non d’IA, et nous livre ses perspectives sur ces sujets très innovants.

Professeur Jacques Marescaux
Président & Fondateur de l’IRCAD

 


L’interview du mois

Les exosquelettes, des alliés pour améliorer les conditions d’exercice des métiers de la santé

Dr. Daichi Kitaguchi
Chirurgien colorectal, Fellow IRCAD

 

 

Dr Kitaguchi, vous êtes un chirurgien colorectal expert en intelligence artificielle et vous venez du Japon, un pays très avancé en matière de connaissances et technologies scientifiques. Pourquoi avoir choisi l’IRCAD pour approfondir votre expertise dans l’utilisation de l’IA en chirurgie ?

Dr Daichi Kitaguchi : L’ouverture de l’IRCAD Taiwan permet depuis 2008 de former à la chirurgie mini-invasive des praticiens venus de toute l’Asie, dont de nombreux chirurgiens japonais. Une forte relation s’est ainsi créée entre le Pr Marescaux et des experts japonais tels que le Pr Nobuhiko TANIGAWA (Osaka, Japon) qui a régulièrement dirigé des formations à l’IRCAD. Certains collègues sont venus à l’IRCAD France et ce qu’ils m’ont rapporté de leur expérience m’a donné très envie de venir à mon tour, d’autant que l’Institut mène plusieurs recherches sur l’application de l’IA à la chirurgie auxquelles j’avais très envie aussi d’apporter ma contribution. J’ai déjà bien avancé sur ce type de projets au Japon, avec de nombreuses publications, mais je souhaitais pouvoir échanger et réfléchir avec des experts d’autres pays et aussi collecter des données sur des patients autres que les patients japonais. Pour développer un modèle d’IA performant, il faut disposer de la plus grande variété possible de données pour, par exemple, l’adapter à toutes les anatomies. Or, au Japon, la morphologie des patients est pratiquement toujours la même, avec des individus plutôt fins et sans graisse donc assez transparents à l’imagerie, ce qui rend assez facile de visualiser et reconnaître un vaisseau ou un uretère. Pour consolider un modèle, il faut donc des données sur des patients différents, par exemple obèses, et l’IRCAD et son réseau international d’Instituts permettent d’accéder à une large diversité de patients à travers le monde grâce à un réseau d’experts internationaux et des cours dans toutes les spécialités. De la même façon, travailler à l’IRCAD permet de collaborer avec de nombreux scientifiques dans les divers Instituts et de développer un réseau international propice à de futures recherches.

 

En plus de la chirurgie colorectale et de l’IA, vous avez étudié les sciences humaines. Quelles interactions voyez-vous entre ces disciplines ?

Dr. DK : Je ne vois pas de vraies frontières entre ces disciplines, elles font partie d’un tout. En tant que médecin, nous devons tout faire pour améliorer la vie des patients et, dans mon rôle de chirurgien, je ne peux que m’intéresser à ce que l’IA est susceptible d’apporter sur ce plan et aussi m’interroger sur l’aspect humain des choses. Comment améliorer la prise en charge des patients mais aussi comment améliorer la vie des chirurgiens, par exemple comment réduire la charge mentale ou la fatigue, pour atteindre une meilleure efficience ? Il faut vraiment travailler sur l’efficience car partout dans le monde, le nombre de chirurgiens est en train de diminuer. Ce métier est devenu plus difficile car les responsabilités sont lourdes, une intervention comporte toujours une part de risque et de plus en plus de patients et leur famille sont prêts à aller en justice si le résultat ne leur convient pas. Certains étudiants en médecine préfèrent donc renoncer à la chirurgie.

L’IA peut aider à améliorer la vie des chirurgiens mais il faut encore mieux comprendre comment. Dans les congrès, beaucoup de présentations montrent l’intérêt de l’IA mais il s’agit la plupart du temps d’un contexte particulier de recherche et/ou d’équipes très expertes. La question aujourd’hui est de savoir comment mettre l’IA au service des chirurgiens dans leur pratique de routine et je ne parle pas uniquement d’un hôpital dans un pays en voie de développement mais aussi d’un hôpital général dans un pays développé. Comment développer des modèles qui permettront effectivement de réduire la charge mentale ou la fatigue ? Comment aider les chirurgiens à adopter cette nouvelle façon de travailler ? Dans des centres qui disposent déjà d’outils d’IA, on s’aperçoit par exemple que certains chirurgiens n’ont pas commencé à les utiliser. Ils ont de bonnes compétences et de bons résultats opératoires alors ils ne voient pas forcément l’intérêt de changer leur pratique. C’est un peu comme la fonction « Parking autonome » d’une voiture, beaucoup de conducteurs ne l’utilisent pas car ils savent faire leur créneau et ne voient pas la nécessité de passer du temps à comprendre comment marche cette nouvelle fonctionnalité et aussi, ils ne sont pas forcément sûrs de pouvoir lui faire totalement confiance. Alors ils continuent à se garer manuellement, même si cela peut parfois leur faire perdre du temps. En intégrant ces considérations « humaines » à nos travaux sur l’IA, nous visons à mieux connecter ces outils à la pratique de routine des chirurgiens pour alléger leur quotidien et faciliter leur vie.

 

Vous vous intéressez beaucoup aux exosquelettes, qu’ils soient ou non équipés d’IA. Quel est votre point de vue sur ce sujet très innovant ?

Dr. DK : Le sujet des exosquelettes est vraiment intéressant car ils peuvent améliorer la vie des chirurgiens en diminuant la fatigue opératoire. Il s’agit de structures articulées externes qui se fixent sur le corps afin d’assister, de renforcer ou même de suppléer les mouvements. Il existe de nombreux modèles, avec divers degrés de complexité selon les parties du corps à assister et les mouvements à accomplir.

Mon expérience personnelle est qu’en seulement trente minutes d’utilisation d’un exosquelette « passif » (sans IA), je ressentais déjà la différence au niveau de mes bras, comme s’ils étaient libérés de toute pesanteur. Ils n’étaient suspendus que par des câbles mais j’avais pourtant l’impression qu’ils reposaient complètement sur un accoudoir et je pouvais garder sans effort une grande stabilité à ma position, ce qui à mon avis peut réduire les tremblements et donc offrir un avantage majeur en chirurgie mini-invasive. Nous devons en effet introduire nos instruments à travers de tout petites incisions et les manipuler de façon très précise et minutieuse dans le corps du patient, en évitant autant que possible de trembler. Cette suppression des tremblements est d’ailleurs un avantage essentiel de la chirurgie assistée par robot car le robot est capable de reproduire nos mouvements en transférant nos ordres aux instruments tout en corrigeant les tremblements, ce qui confère une grande précision à la chirurgie robotique. Cependant, la plupart des interventions mini-invasives est aujourd’hui pratiquée sans assistance robotique, le coût du robot étant un frein à l’adoption. Les exosquelettes passifs ne coûtant pas cher, ils peuvent constituer une alternative intéressante, par exemple pour les hôpitaux n’ayant pas les moyens d’acheter un robot ou pour des interventions qui ne relèvent pas nécessairement de l’utilisation d’un robot.

Comme je l’ai dit, le nombre de jeunes médecins se destinant à la chirurgie diminue et la moyenne d’âge augmente, certains chirurgiens ressentant particulièrement la fatigue. Ils souffrent notamment de raideurs importantes au niveau des épaules ou du dos. Cela peut m’arriver également alors que je n’ai que 38 ans, je peux ressortir complètement épuisé d’une longue intervention. Il faut donc vraiment se soucier de la santé des chirurgiens, pour aider les plus âgés à continuer d’exercer mais aussi pour inciter les jeunes à entrer dans la carrière chirurgicale en offrant de meilleures conditions d’exercice. Cela est vrai aussi pour d’autres professionnels de santé, par exemple le personnel infirmier ou aide-soignant, souvent amené à manipuler et soulever les patients.

Avec mon université au Japon, nous menons aussi des recherches sur des exosquelettes « actifs », dotés d’IA, qui peuvent en temps réel analyser, anticiper et adapter l’assistance aux mouvements et à l’intention de la personne. Ils sont capables de décoder l’intention cérébrale et d’envoyer la commande aux moteurs électriques situés dans les articulations du dispositif (hanches, genoux, chevilles…). En cas de lésion de la moëlle épinière par exemple, ils captent le signal bioélectrique émis par le cerveau (« je veux faire un pas ») mais qui ne peut plus arriver naturellement aux muscles des jambes, il est alors interprété et exécuté par les moteurs de l’exosquelette.

Ces exosquelettes intelligents sont aujourd’hui très couteux, du même ordre de prix que les robots utilisés pour assister la chirurgie. Leur objectif n’est pas seulement d’essayer de réduire la fatigue mais surtout de pallier des déficiences motrices du patient, qu’elles soient de naissance ou consécutives à un accident. De façon très simplifiée, je dirais qu’un exosquelette sans IA est une bonne alternative pour aider un chirurgien alors qu’un exosquelette avec IA est plutôt destiné à compenser le handicap d’un patient.

 

Pouvez-vous nous parler du projet de collaboration entre l’IRCAD et Ergosanté/HAPO, qui est une entreprise française spécialisée dans les exosquelettes passifs, destinés en particulier aux métiers de la santé ? 

Effectivement, nous sommes en train de réfléchir à la mise en place d’une étude pilote qui pourrait préciser les bénéfices de la gamme HAPO. L’IRCAD organise de nombreuses formations à la chirurgie mini-invasive qui impliquent diverses sessions pratiques. Ces sessions comportent à un moment ou un autre une phase d’entraînement à la suture, pendant laquelle les participants répètent le même geste sur le même modèle et dans le même environnement, ce qui est un contexte de standardisation favorable à l’évaluation d’exosquelettes. En pratique chirurgicale, les conditions sont plus diversifiées, par exemple en termes de geste à accomplir ou de masse corporelle du patient, ce qui peut rendre l’évaluation plus complexe. De plus, les participants à ces sessions débutent et essaient de reproduire le geste du mieux qu’ils peuvent, ils sont tendus et leurs muscles se crispent, ce qui fait rapidement apparaître une fatigue musculaire. En faisant réaliser à un même participant des sessions avec et sans HAPO, nous devrions pouvoir mettre en évidence le bénéfice intrinsèque de l’exosquelette. Or, dans le domaine de la santé, en particulier en chirurgie, les exosquelettes sont encore trop peu utilisés et si nous pouvons publier des résultats démontrant clairement leur intérêt, nous pourrions inciter les établissements à s’équiper, en France comme à l’international. A l’IRCAD, nous sommes très conscients de la nécessité d’améliorer autant que possible les conditions de travail des métiers de la santé et nous serions heureux de contribuer à cette amélioration, qui pourrait d’ailleurs intéresser d’autres secteurs d’activité.

 

 

A propos de l’IRCAD :

Créé en 1994 par le Professeur Jacques Marescaux, l’IRCAD est un institut dédié à la formation et à la recherche sur la chirurgie mini-invasive.  L’Institut strasbourgeois est un centre de renommée internationale, réputé pour l’excellence de ses formations qu’elles soient présentielles – près de 8 800 chirurgiens du monde entier sont formés, chaque année à Strasbourg – ou virtuelles, avec l’université en ligne Websurg, entièrement gratuite, qui compte plus de 470 000 membres connectés dans le monde entier.

Pour plus d’informations, rendez-vous sur: https://www.ircad.fr/fr/

 

Nous espérons que ce 21ème numéro de la newsletter de l’IRCAD vous a plu.
Pour toute demande d’information, d’inscription ou de désinscription :

FINN Partners – sante@finnpartners.com

 

 

 

IRCAD Contact form

Formulaire de contact

COVID19: IRCAD sanitary measures & health pass

Please note that the IRCAD administrative board and staff are closely monitoring the evolving COVID-19 situation, in full compliance with all applicable laws and regulations in France. The health, safety, and well-being of our participants, experts and staff are our top priority!
Despite the current context, the IRCAD stands firmly by your side to help you acquire knowledge and skills. Come and join us !

We would like to draw your attention that the « Vaccine Pass » is now mandatory in France since end of January 2022 and replaces the former « Health Pass » to access places that are open to the public, such as cinemas, museums, cafés and restaurants, hotels as well as the IRCAD Institute which welcomes participants in the framework of its courses and seminars. Thus, a PCR test without vaccination is no longer sufficient to take part in our courses.

The vaccine pass includes a proof of the following (one of the 3 items is sufficient):

  • The vaccination certificate, proving that persons have a complete vaccination (as of January 15, 2022, all persons aged 18 and over must receive a booster dose no more than 7 months after their last injection or Covid infection to receive a valid vaccination pass. As of February 15, 2022, the time limits for keeping the pass will be reduced, you will have to do your booster dose 4 months and no longer 7 months after your 2nd dose to have a complete vaccine schedule and maintain a valid vaccine pass)
  • The result of a positive RT-PCR or antigenic test attesting to the recovery of Covid, more than 11 days and less than 4 months
  • The certificate of contraindication to vaccination

Further information about the new vaccine pass can be found at :

We very much hope to be able to count on your kind understanding of those rules which have been set by the French Government and which our Institute is required to apply